Montpellier le 30 juillet 2014 23h30 :
Je suis chez moi, je vais aller me coucher après une soirée tranquille et je ne le sais pas encore, mais j’écrase la dernière tueuse de ma vie (et je range le paquet dans son tiroir habituel dont il ne ressortira que bien plus tard pour être jeté). Cette fois, aucune préméditation, et grâce à la divine attraction d’un merveilleux setup, dès le lendemain, l’arrêt sera définitivement salvateur.
Mais comment en suis-je arrivé là ?
Vers 16 ans j’ai rencontré en dilettante ma première blonde. C’est ma période potes en mobylette et petites soirées. Je tire quelques taffes au grès des clopes tournées, par mimétisme social et seulement pendant ces regroupements festifs. Je vais continuer longtemps à ce rythme pépère dans ma bonne ville de Metz, en n’achetant que très occasionnellement un paquet isolé qui durait une bonne semaine au moins.
A 18 ans je pars à Nancy pour étudier en Fac de Médecine. Premier chez moi exigu en cité U, cassure avec le cocon maternel, l’ennui, les nouvelles responsabilités et les vides à combler vont m’amener à acheter mon premier paquet à bien plus courte durée. Je commence à aller m’en acheter tous les deux ou trois jours…
La clope se fait plus pressante et s’invite à toutes les pauses de décompressions, qu’elles soient de révision ou de quelles qu’autres motivations. Le paquet de tiges devient un compagnon, l’ascension vers une consommation accrue n’en est qu’à son début. Pour ne pas avoir l’impression de se retrouver tout nu, il va devenir mon nouveau cordon. Après quelques tâtonnements les Malboches seront élues mais en version light pour se sentir moins coupable (il y aura plus tard les rouges et pour finir les mentholées).
Très vite la chimie va faire son œuvre et vers 21 ans je me rends compte d’un coup que je m’arrête tous les jours au même endroit pour acheter cette saleté de paquet.
En cette troisième année, ma vie estudiantine va prendre un virage serré me mettant sur la route non soupçonnée de mon futur dernier arrêt.
Je m’étais lié d’amitié avec un élève de L’Institut des Sciences de l’Ingénieur qui se trouvait en face de ma cité U. Lors d’une fin d’après-midi alors que l’on devisait, il me présente l’HP 33 une des premières calculettes programmables de l’époque. C’est le choc !
C’est encore le temps des calculettes à quatre opérations majoritaires, mais je pressens l’infini et au-delà devant moi. Il me la prête un soir, et après une nuit blanche solitaire à la décortiquer, je la lui rends programmée. J’ai l’impression de ne faire qu’un avec cette machine. Je lui ai programmé un petit jeu de la fourchette (qui consistait à deviner un chiffre mystère en proposant des choix que la machine désignait trop haut ou trop bas), alors que depuis un an il la possédait sans se douter.
Et alors que je rêvais depuis l’âge de cinq ans de devenir médecin puis plus tard chirurgien et que tout roulait dans ce cher secteur, je reviens à mon origine géographique pour entamer un DEUG d’informatique.
Nous sommes en 1982, à moi les joies de la programmation sur cartes perforées !
On est encore loin de la minutie des box électroniques, mais j’en entame plein d’entrain la route qui m’y mènera avec soin. J’ai vingt deux ans, je fume toujours autant jusqu’au seuil symbolique du paquet quotidien qu’il ne faut pas dépasser. Ah ce raisonnable de drogué qui se « rationne » jusqu’à la cartouche achetée. Et puis l’année suivante je passe le pas en me disant que c’est plus pratique et cela me fait oublier une partie de la nocivité. Les moyens financiers arrivants par des premières prestations de programmation, l’achat devient plus facile et la conscience volatile.
Je me contiens au sacro saint paquet par jour, mais je sens bien qu’un jour la digue peut rompre et le paquet dépassé déferler.
Fruit d’une programmation pour une entreprise payée en nature par un Apple II flambant neuf (12000 francs à l’époque quand même), je me régale de progresser à pas de géants dans mon nouvel environnement. Mes nuits seront mise à profit pour plonger dans les plus sombres arcanes tel le langage machine.
Et à quelques encablures du port final de l’examen, alors que j’accompagnais un ami en quête d’un boulot, je tombe sur une annonce captant mon attention par son contenu qui me parait en partie erronée. Un bureau d’étude cherchait un programmeur APL. Etonnant de rechercher pour ce langage d’intelligence artificielle très peu usité. Soupçonnant une coquille j’ai saisi l’envie d’appeler. C’était bien de la marque de la pomme qu’il s’agissait avec deux lettres oubliées, je file donc à l’entretien du coup proposé.
Décontenançant leur spécialiste informatique, dès le lundi suivant me voilà embarqué dans la vie dite active sans le diplôme validé. Je démarre sur la programmation MemDOS, que j’avais assimilée en un week-end passé malgré leurs doutes dûment signifiés.
N’ayant aucun frein et sans volonté d’esbroufes, je repoussais toujours mes limites.
Ce programme qui permettait instantanément de faire les calculs que faisait un ingénieur en quarante huit heures auparavant, fêtait l’ère magique de cette merveille d’informatique.
Après ce très beau projet je quitte cette entreprise qui voulait m’envoyer à Lyon avec une augmentation de mes émoluments pour créer mon projet de gestion de camping par l’informatique. Mais le destin menant, et moi toujours clopant, va à nouveau m’orienter par la venue chez moi du PDG de 4 Murs, une grosse société d’une centaine de magasins de papiers peints, rencontré par un de mes amis dans son magasin d’informatique. Me voilà en peignoir et ma mine affairée face à monsieur en costard, recueillant son projet. Il s’agit de remplacer ses caisses enregistreuses par des micro-ordinateurs histoire d’améliorer pour plus sophistiqué. Je lui réponds que je peux le faire avec mon Apple II. Et me voilà embarqué pour un nouveau contrat signé. Service informatique à moi tout seul, j’y passerai deux ans et demi à tout réaliser (programmation, déploiement, test en magasin… Je vais notamment amener le référencement complet des produits de l’ensemble des magasins avec les avantages déboulant dans la foulée) et à l’enfumer le jour tout du long.
En effet, n’ayant pas anticipé l’ampleur de ma tâche, le cher patron m’avait installé dans son propre et vaste bureau. En bon programmeur insatiable je fumais sans arrêt de l’intérieur comme vers l’extérieur, et lui tout ce temps passé, il toussait. Il m’acheta très vite un cendrier aspirateur de fumée pour limiter les dégâts sur sa santé car il n’osait pas me demander d’arrêter, trop dépendant de mes succès. Fierté d’avoir modernisé mais point de victoire au tabagisme passif imposé car le paquet symbolique était largement dépassé.
Par ce projet mirobolant et les achats de machines à la pomme massivement, la société Apple me remarquera et demandera une présentation qui aboutira à mon embauche en 1986. Je resterai deux ans à l’agence de Metz avant de filer à la capitale, fraichement promu.
Après presque dix ans dans la ville des lumières, toute enfumée comme moi, une première prise de conscience me fait me décider à arrêter.
Saturation, encombrement des poumons, je crachais ma vie au squash car j’y jouais comme je programmais.
Je me tourne vers les patchs plein d’élan et d’optimisme. C’est difficile malgré l’apport de nicotine, le geste étant manquant. Au prix d’une volonté de fer, je cesse totalement d’inhaler et mobilise mon entourage à ne me céder aucune clope même si vivement demandée.
Pendant deux à trois semaine je vais sévèrement en baver.
Envies furieuses de fumer, patraque en permanence, du tournis qui m’envahi, et pour couronner le tout dix-huit kilos qui s’invitent en trop (qui seront perdus avec un régime suivi), en fait, les mille tourments par le manque infligé aux drogués insoumis.
Après cette période douloureuse je garde collés à moi les distributeurs de nico pour les cinq semaines supplémentaires préconisées.
C’est une lutte incessante pour combattre l’envie qui jamais n’est partie.
Au bout de trois mois je me pense guéri mais cinq mois après un barreau de chaise cubain me fera replonger.
Un bon repas dans un bon restaurant, ripailles et nectars dignes de Bacchus, on me tend un bon gros cubain dont je me saisi en m’affirmant son côté naturel me préservant du rendu dépendant…
Et comme un con qui a trouvé ça si bon, je retombe dedans et je me remets à fumer avec des Havanes.
Je m’achète vite une boite et je commence à fumer mes cigares par étape.
J’en fume un tiers un jour et un autre le lendemain, pour le finir le troisième jour.
Mais tout le monde le sait, un cigare c’est comme l’amour, rallumé il n’aura plus jamais le même goût. Effectivement rapidement ce n’est plus à mon goût et le cercle infernal reprend sa place en une ronde fatale de trois cigares tous les jours.
Me voilà comme une cheminée pour le DL de la fumée. Mon salaire confortable et les Duty Free que je côtoyais m’encourageaient plutôt que me freinaient.
Avec le temps cela me coutait quand même tant, que pour moins molester mon porte monnaie, je bifurquais vers les cigarillos. J’en goûtais de nombreux pour m’arrêter sur les fragrances d’Orient au goût épicé à la Amsterdamer. Par cartouche je les accueillais, dont un paquet par jour je me mets à consumer.
Ils vont me suivre en 98 dans une autre société ainsi qu’en 2000 à mon arrivée chez Palm à Montpellier. Et enfin jusqu’en 2005 après deux années de travail en indépendant depuis mon logement.
Dans le sud un nouvel arrêt toujours motivé par avoir dans la bouche un goût de cendrier avec toutes les saturations passées qui sonnent le glas du ras le bol.
Retour aux patchs dont la première série ne durera que trois jours m’infligeant de grosses allergies au grand dam de mon épiderme. Même ressentis que la première fois mais des kilos en plus seulement au nombre de deux fois trois. Prouesse d’autant plus louable qu’avec mon métabolisme quand je passe à la cuisine et j’y respire, de cent grammes j’empire.
Un an de liberté chèrement gagnée.
Un malheur familial tout à fait imprévu va me cueillir d’un choc affectif pour un effondrement soudain qui m’envoi dans les bras de cette satanée tueuse. La déprime lui tissant un nid douillet pour encore un long moment. Deux ou trois jours à fumer celles des autres et je m’en vais acheter à nouveau un paquet du vieux cow-boy mentholé.
Au bout d’une année morose de tabagisme débordant, je me prends de colère et je rentre en guerre contre ce penchant me détruisant. Tel un guerrier en campagne, je cesse d’un coup avec pour toute aide ma hargne me protégeant.
Nous sommes en 2009 et dans la foulée je suis recruté à l’Apple Store de Montpellier au poste de Génius Senior, pour le dépannage relation client et la réparation des machines. Le stage d’un mois au pays de l’oncle Sam va me consolider car en cette période on ne pouvait fumer quasiment que chez soi que je n’avais pas.
De retour au pays, je tiens le coup pour deux belles années.
En 2011, la perte de mes deux toutous chéris va me faire replonger.
Les voir souffrir d’une longue maladie, l’impuissance de ne pouvoir les faire échapper à l’inéluctable, m’emmène à nouveau vers les sentiers de la déprime.
Une CDA suffira à repartir pour m’encrasser encore quelques années.
Je fume à tout va, je me souviens très bien des pauses clopes quémandées pendant mon travail bien aimé. Je retrouve très vite à mon seuil du paquet à ne pas dépasser avec des lights mentholées pour leur côté sucré et l’illusion de ne pas empester.
Et puis, le 25 juillet 2014, pendant une pause clope en compagnie de mon collègue, je le vois sortir une machine qui tout de suite m’interpelle. Il m’explique que c’est une cigarette électronique (modèle Vamo, un des premiers tubes électro) et me détaille ses attrayantes particularités. Attiré par les merveilles électroniques, j’ai l’œil qui pétille et l’attention captivée. Je le bombarde de questions, des réglages du wattage aux composants des jus. Il me dit aussi en passant, qu’avec cet outil brillant il a totalement cessé de fumer. Il me le fait essayer et malgré un peu d’étouffement dû à sa machine à vapeur (un TFV4 il me semble) pour un fumeur que j’étais, je suis conquis par cette curiosité technologique.
Je vais passer le week-end à éplucher internet et découvrir l’ampleur de ce monde ignoré. Nous sommes après les clearos à mèches, le matériel commence à être en nombre conséquent et plus évolués. Mon regard s’arrête plus précisément sur le kit Emow de KangerTech qui me correspond pleinement par son esthétique, ses fonctionnalités et sa simplicité.
Le lundi suivant je le commande aussitôt, il sera mon premier setup d’une longue lignée.
Je le reçois deux jours plus tard accompagné de jus américains Halo en 12 mg aux saveurs de tabac mentholé qui reproduisent parfaitement le goût de mes défuntes tueuses. Toutes les planètes sont correctement alignées, ce sera déterminant pour toujours les oublier.
Je le rempli prestement et m’en vais copieusement tirer dedans pour ne plus jamais m’en lasser. D’un seul coup et sans m’en préoccuper ou du moins qu’inconsciemment, j’ai pu reléguer les clopes tant consommées dans leur tiroir pour s’empoussiérer (six mois après ce définitif arrêt, j’en prends une pour l’allumer. Je tire dessus et je m’étouffe. Je l’écrase et me dis : comment j’ai pu fumer aussi longtemps cette merde !?! Le paquet en est jeté).
Je m’y fais tellement bien sans plus d’envie ni manque pour mon démon passé, que pour pallier la faible durée de batterie, je commande son jumeau 15 jours après. Je peux démarrer ma nouvelle vie et même au boulot pavaner. Ce qui me permettra d’en convertir une vingtaine à ce plaisir qui les libèrera aussi.
En bon geek je continue mes fouilles, et dès le mois d’octobre je jette mon dévolu sur un tube qui me rappelle les poignées de sabre laser (Pioneer4You Seven-30), je l’acquiers aussitôt, accompagné du le KangerTech SubTank 25. C’est le premier clearo vendu avec son plateau RBA dans la boite et déjà monté avec un coil. Il fallait des doigts de Hobbit anorexique pour le cotonner mais l’occasion faisant le larron, on se rendait vite compte que c’était aussi bon et même meilleur que les résistances déjà prêtes. Je n’y reviendrai d’ailleurs jamais à part pour tester. J’enchainerai avec le SubTank Mini puis le Kayfun 4 (en juin 2015).
En janvier 2015 je tombe sur les sites de vente chinois.
C’est pour moi la caverne d’Ali Baba !
Je commence par FasTech que j’épluche en trois heures.
J’hallucine des prix et du vaste choix/
Les vannes sont ouvertes, pour les achats ce sera la déferlante.
J’achète 85 atomiseurs et 24 box en 2015, là j’étais vraiment parti !
Pas seulement de fièvre de collectionneur me concernant, ce sont les caractéristiques technologiques et les progrès en saveurs que je trouvais surtout fascinant.
Sans le chercher vraiment, je commence à accumuler foison de connaissance encyclopédique.
En 2016, ce sera 105 Atomiseurs, je continue à travailler à l’Apple Store où je débarque presque chaque jour avec un nouveau setup intriguant.
En 2018, je quitte l’Apple Store après presque quarante ans de participation à toutes les révolutions informatiques, ma frénésie elle ne se stoppe.
C’est une vraie passion qui m’habite et ne me déçois jamais, je vais m’y engouffrer sans restriction. Je vais dépenser sans compter mais toujours, par rapport aux clopes, économiser.
J’avais déjà commencé à répondre à moult questions sur différents groupes Facebook desquels j’étais membre. Puis je rejoins un groupe de commandes groupées avant de créer le mien en 2019.
Le 1er février 2020 ce fut un groupe informatif cette fois créé (très vite surnommé
Vapipédia) pour poster reviews, tutos et autres infos pour cesser d’éparpiller et car la connaissance ne vaut que si elle est partagée.
Montpellier le 8 octobre 2021 12h :
Je suis passé des présentoirs à 13 ato aux monstres d’étagères fabriquées de mes dix doigts (merci au vapoteur belge qui m’inspira) contenants mes 650 pièces au moment présent.
J’ai toujours envie dans ce domaine de travailler, mais je me tâte toujours avec des touches sans ferrer. Je fais des piges pour un canard professionnel et j’ai commencé à recevoir du matériel à tester. Comme tout cela est venu à moi sans forcer, je me laisse voguer vers les autres rivages vaporeux par lesquels je serais tenté.
Je suis un vapoteur au paradis qui a toujours envie de nouveaux paris.
J’espère que cette petite histoire vous aura distrait, et peut-être inspiré ou conforté pour ne jamais quitter ce petit nouveau monde, aux poumons nettoyés.
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